Trahison et vérité [TERMINÉ]

Maeya regarda derrière elle pour s’assurer que les deux petits étaient là. Précaution inutile, ils ne la lâchaient jamais. Elle leur fit un sourire et se détourna pour reprendre la route. Dès qu’ils ne purent pu voir son expression, elle perdit son sourire et retint de verser une larme. Ce qu’elle allait faire était si cruel… En avait-elle seulement le droit? Non. Ce n’était pas un droit, c’était un devoir. Elle n’avait tout simplement pas le droit de ne pas le faire. Cela briserait des cœurs, plus d’un. Peut-être quatre… déterminée à se montrer forte devant ses enfants, elle continua à avancer la tête haute. Mais plus elle approchait de sa destination, plus elle avait peur et envie de s’en aller.

Mais il était déjà trop tard. Un reflet de soleil capta son attention. Oui, trop tard. Elle était arrivée. Et déjà, devant elle, un peu plus loin, elle le voyait. Son compagnon… Plagio… et qui n’était pas le père des enfants… Comment le prendrait-il? Mal, bien? À quel point? Le médecin était gentil, il ne pouvait pas le prendre mal. Non, il ne pouvait pas mal réagir. Il ne serait pas violent, ne la chasserait pas. Mais si ça lui faisait de la peine? Non, il était compréhensif. Il comprendrait… Il le fallait… Soudain, elle s’arrêta. Son cœur se tordit dans sa poitrine. Elle était si près. Elle n’avait qu’à souffler son nom pour qu’il l’entende et se retourne. Peut-être même savait-il déjà qu’elle était là.

- Plagio…

Sa voix se brisa et une larme coula. La suite l’effrayait plus que tout, et elle avait honte d’elle-même.

Le petit louveteau trottinait joyeusement derrière sa mère. Elle était si belle, si gracieuse. Et les lieux autour ne la rendaient que plus magnifique et étincelante. Lorsqu’elle se retourna pour lui sourire, il lui rendit son air charmant, content qu’elle s’inquiète pour lui et sa sœur, même si elle se retournait peut-être un peu trop souvent. Mais ce n’était pas grave, il était content de la rassurer de sa présence. Cependant, il avait un peu l’impression que quelque chose n’allait pas. Les mouvements de la louve s’engourdissaient au fur et à mesure qu’elle avançait. Elle n’avait visiblement pas envie d’aller là où elle les amenait. Mais où allaient-ils? Maeya avait dit qu’elle voulait leur présenter un loup important pour elle. Elle n’avait rien spécifié. Si ce loup était important, elle devait avoir envie de le voir, non?

Ils étaient sur le territoire de l’eau. La solitaire n’avait-elle pas pour compagnon un médecin de ce clan? Était-ce lui qu’ils allaient voir? Mais alors, pourquoi avoir peur? Ce loup ne serait-il pas content que sa compagne lui ramène deux magnifiques enfants? Peut-être avait-elle peur qu’il n’ait changé, avec tout ce temps. Ou qu’il l’ait oublié! Mais c’était ridicule. Il ne s’était écoulé qu’un an, après tout, non? Elle avait peur alors qu’il n’aime pas les petits? Mais, Horus était un père très gentil et très doux! Et Maeya disait toujours qu’il était attentionné et magnifique! Pourquoi ce Plagio ne serait-il pas content qu’elle ait eu des petits avec lui!? C’était insensé! Vëhl et Léruna étaient mignons, gentils, sages, affectueux, il ne faisait jamais le mal volontairement. Alors pourquoi Plagio les détesterait-il? Par jalousie? Maeya disait que la jalousie était un défaut qu’il ne fallait pas conserver. Alors elle ne devait pas avoir choisi un compagnon jaloux!

Le petit interrompit ses pensées alors qu’il percutait presque sa mère. Cette dernière murmura quelque chose. Et Vëhl entendit parfaitement : Plagio… C’était donc lui. Ce loup bleu? Il était beau, c’était vrai. Il avait l’air doux. Il était presque… majestueux? Non, peut-être pas. En tous cas, il était aussi beau qu’Horus. Moins que Maeya, bien sûr, mais elle était vraimetn difficile à battre. Vëhl alla s’assoir à côté de Maeya et dévisagea le médecin avec un regard bienveillant.

- Bonjour monsieur Plagio. Je vous trouve magnifique, sincèrement. Je suis content de voir que vous êtes aussi un peu musclé. J’avoue que d’être médecin ne doit pas rendre la protection de Maeya très facile. Savez-vous vous battre? Oh ce n’est pas grave si la réponse est non, je peux toujours m’en occuper! Je vous promet que jamais personne ne fera de mal à ma maman, tant que je serai vivant!

Ce regard interrogatif. Ce regard qui ne comprenait que trop bien l’essentiel et qui cherchait à investir davantage les détails. Mais pouvait-elle vraiment lui dire? La douleur qu’elle ressentait dans ce regard était déjà si terrible, pouvait-elle l’aggraver? Non… Elle éclata en sanglots. Elle n’aurait jamais dû faire ça! Pourquoi l’avait-elle fait? Mais si elle ne l’avait pas fait, aurait-elle pu se le pardonner? Sans doute… Mais maintenant, il était trop tard. Incapable de parler, incapable de regarder Plagio dans les yeux, et s’effondra par terre et pleura, oubliant jusqu’à la présence du petit Vëhl et de la petite mysty. Mais elle pensait quand même à eux. Elle aurait tant aimé que Plagio prenne la place de leur père, pour leur faire profiter de sa gentillesse, de ses connaissances. Mais le ferait-il? Pourrait-il voir au-delà de la trahison de celle qu’il aime? L’aimait-il encore, seulement? Si la réponse était non, alors ce serait tant mieux, car au moins cela ne lui briserait pas le cœur. Mais s’il ne l’aimait plus, elle ne s’en remettrait pas… Non, c’était faux. Elle s’en remettrait un jour. Elle rejoindrait Horus et le clan du métal, et finirait par oublier le médecin de l’eau. Mais… S’il l’aimait encore? Allait-il juger que la vie ne valait plus la peine d’être vécu? Allait-il… se suicider? Hantée par des idées de plus en plus atroces, elle se roula en boule et pleura.

Vëhl vit le loup se retourner, et il sut tout de suite que quelque chose n’allait pas. Il avait mal. Et il n’était pas le seul. Devant la réaction de Maeya, le petit ne sut que faire. Pourquoi pleurait-elle? Elle avait dit que Plagio était gentil et compréhensif. Elle avait dit que de donner naissance ne faisait jamais de mal. Elle avait dit que ses quatre petits étaient le plus beau cadeau du monde! Alors pourquoi elle n’était pas contente? Pourquoi est-ce qu’elle pleurait? Ça n’avait pas de sens! Qu’est-ce que Plagio lui avait fait? Qui était-il réellement? N’était-il pas le compagnon de Maeya? Alors pourquoi n’était-il pas content qu’elle lui apporte des petits? Il ne voulait pas être papa!? Pourquoi fallait-il toujours que les gens soient tristes et qu’il ne comprenne rien! C’était pourtant simple! Maeya avait voulu lui donner des petits, pour le rendre heureux! Et parce qu’il n’était pas heureux, ça faisait de la peine à la solitaire! Sa mère pleurait, et plus qu’il ne l’avait jamais vu pleurer! Compagnon ou pas, Plagio n’avait pas le droit de faire mal comme ça à Maeya! Un grognement sourd s’échappa de la gorge du petit Vëhl alors qu’il prenait place entre Maeya et Plagio.

- Je ne vous donne pas le droit de faire du mal à ma mère! Je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais vous avez intérêt à demander pardon! Maeya voulait vous rendre heureux, en nous apportant avec elle pour que nous vous rencontrions. Elle voulait que vous deveniez notre papa, que nous soyons vos petits à vous aussi. Elle n’a jamais rien fait de méchant, et vous devriez le savoir! Et maintenant, à cause de vous, elle pleure. J’ai promis à Horus que je ne laisserais personne faire de mal à Maeya! Et vous ne faites pas exception.

Parfois, quand il ne comprenait pas, Maeya le grondait. Et alors, comprenant qu’il faisait mal les choses, Vëhl changeait de tactique d’approche, et souvent sa mère était contente. Eh bien, peut-être était-il petit et peu impressionnant, quoique son père, Horus, lui avait dit une fois que ses canines était trop développées et que c’était inquiétant, mais il espérait tout de même que ce Plagio se sentirait aussi mal que lui quand il se faisait gronder. Il n’avait pas le droit de blesser Maeya. Non, il n’avait pas le droit, et il devait le comprendre. Il devait comprendre qu’il se trompait! Il n’avait peut-être rien dit, mais Vëhl pouvait voir, à la réaction de sa mère, qu’il n’avait pas bien réagit. Ce n’était pas ce qu’il devait faire. Et il devait recommencer!

Lorsque la voix de la petite retentit, les larmes arrêtèrent de couler sur les joues de Maeya. Lentement, elle releva la tête et regarda Mysty. Sa voix était si belle… déjà… elle avait hérité de sa mère, elle n’en doutait pas. Puis la chanson se termina, et la solitaire regarda en direction de son compagnon pour voir son expression. Non… il ne le lui pardonnerait jamais. Elle le voyait dans ses yeux. C’était fini. Elle avait brisé son cœur. Sachant ce qu’il avait vécu, sachant la souffrance qu’il avait porté en lui, elle avait osé s’absenter et le priver de son réconfort pendant plus d’un an. Et elle avait en plus osé avoir une portée d’un autre mâle. Mais… Plagio ne voyait que ce qui était, il ne voyait pas jusqu’au fond des choses. Elle n’avait pas voulu le tromper! Si seulement elle pouvait lui expliquer, si seulement elle pouvait lui dire ce qu’elle avait ressenti, lui exprimer ses émotions. Mais elle ne pouvait pas. Parce qu’elle savait qu’il avait raison. Elle l’avait trahi. Il savait que si on l’avait blessée, agressée, et qu’on l’avait forcée, elle serait revenu le voir dès le début pour lui expliquer. Elle n’aurait pas attendu si longtemps.

Un tourbillon d’émotions s’empara d’elle. De la frustration, contre elle-même, contre Horus, contre l’incompréhension de Plagio. De la tristesse profonde, pour ce que vivait son compagnon. De la peur, peur de ne plus pouvoir profiter de la vie, peur d’avoir gâcher celle du médecin. De la honte, du désespoir, de la haine face à elle-même.

Pars Maeya, je ne veux pas te faire de mal. Va rejoindre leur père.

La façon dont le dernier mot était dit… Il n’y avait pas de doute, s’il ignorait ce qui s’était réellement passé, il saisissait qu’elle avait fait une erreur. Une erreur qu’il ne pouvait pas lui pardonner. Mais elle ne pouvait pas retourner voir Horus. C’était lui qu’elle aimait, pas le loup du métal. Et s’il ne pouvait pas lui pardonner, elle ne pouvait pas se le pardonner non plus. Elle vivrait à jamais seule, et n’accepterait plus jamais l’amour de personne. Car son cœur appartenait au loup de l’eau…

Je ne veux tuer personne.

Elle le vit se détourner, et se dit qu’elle aurait préféré qu’il la tue.

- Plagio… je ne demande pas ton pardon… mais je t’aime. Si jamais un jour tu le comprend, je t’en prie, reviens à moi… il y a tant de chose à expliquer… je veux que tu comprennes…

Comprendre, pas pardonner. Si jamais un jour Plagio passait par-dessus les émotions que cette rencontre lui avait laissés, et qu’il voyait que Maeya souffrait autant que lui, alors elle espérait qu’il revienne, pour la questionner. Pour savoir. Alors pourrait-elle essayer de faire en sorte qu’il ne déteste pas les petits… Elle n’était pas digne de son amour, mais au moins peut-être ne la détesterait-il plus... Mais elle savait qu’il ne l’avait pas entendue. Elle n’avait pas parlé fort. De toute façon, il ne l’aurait pas écouté. Et elle savait aussi que tous ses espoirs étaient fantaisie. Il la détesterait à jamais, et elle ne le reverrait plus…

Vëhl ne comprenait plus rien. La chanson de Mysty était très belle, elle aurait dû calmer le loup bleu et lui faire comprendre. Mais rien n’avait changé. Maeya s’était calmée, et pourtant… Le petit s’assit. Mysty avait raison… Plagio n’avait rien fait à la solitaire. Il ne pouvait pas le menacer ainsi. Mais alors, que devait-il faire? Il avait juré de défendre Maeya, et elle souffrait! Et il ne pouvait pas l’aider! Une larme coula sur sa joue. Encore une fois, il fit le tour des questions qu’il s’était plus tôt posées. Pourquoi tout cela? Ça ne servait à rien! Les choses auraient dû être simples. Plagio aurait dû être content! Le petit loup ne trouvait pas de solution. Plagio avait mal. Maeya avait mal. Lui aussi avait mal. Comment enlever tout ce mal? C’était impossible. Pas pour l’instant. Vëhl comprit que les choses devaient se dérouler, sans qu’on n’essaie de les changer. Il faudrait un moment au grand loup pour comprendre qu’il avait fait une erreur en détestant Maeya. Oui, il finirait par comprendre. Alors le petit retournerait le voir et lui expliquerait que ce n’était pas de la faute de la louve blanche. Ni d’Horus. Ils n’avaient rien fait de mal. Ils avaient créé la vie. Rien ne pouvait être plus beau que la vie. S’ils n’avaient pas… quatre jolis louveteaux n’auraient pas existé. Il devait le comprendre…

Quelque chose se brisa en Vëhl. Il eut mal, atrocement mal. Comme si sa petite poitrine était trop petite pour contenir son cœur, qui enflait et voulait exploser. Sa gorge ne laissait plus passer l’air, il avait de la difficulté à respirer, et quelque chose d’humide coulait sur sa joue. Il allait mourir, il en était sûr. C’était parce qu’il venait de perdre la chose la plus importante à ses yeux. Il avait échoué. Il comprenait que Maeya avait été blessée, au point où sa vie en avait été brisée. Et Vëhl n’avait pas réussi à la protéger. Il avait laissé la vie de Maeya être réduite en miette. Et sa propre vie semblait se détruire en même temps que la sienne.

Le petit regarda Plagio s’en aller. Alors que le médecin s’éloignait, il entendit Maeya parler. Oui, il reviendrait voir Plagio pour réparer les dégâts qu’il avait créés en naissant. C’était à lui que Plagio devait en vouloir. S’il n’était pas né, Maeya n’aurait pas eu à se disputer avec lui. Lentement, il se retourna. La louve s’était relevé et détournée. Elle partait. Pour aller où? Aucune idée. Vëhl savait seulement qu’il allait retarder son prochain rapport à Horus. Il ne pouvait pas laisser Maeya ainsi, il devait rester avec elle. En même temps, c’était lui qui avait gâché ainsi sa vie. Non, il ne devait pas rester. Il allait se rendre tout de suite au Clan du métal, et laisse Mysty réconforter sa mère. Sans prévenir, il partit en courant, ses yeux coulants tout seuls.