Rencontre masquée [Privé Prolyxe] TERMINE

Pheonix marchait lentement dans l’un des couloirs du château. Il avait s’était réveillé quelques minutes plus tôt. Il était en avance. Normalement il irait jouer avec les jeunes loups en apprentissage, mais à cette heure, ils n’étaient même pas réveillés. Alors à la place il se promenait dans le château, pour passer le temps. Il avait revu bien des endroits qui lui rappelaient des souvenirs, très peu d’entre eux étant heureux.

Il s’arrêta alors qu’un décor familier apparaissait autour de lui. C’était par ici qu’il passait lorsqu’il allait voir son ami l’oméga. Envahi de nostalgie, le loup suivit le chemin, jusqu’à arriver devant la fissure qu’il traversait lorsqu’il était petit. Il rétracta ses ailes et se contorsionna pour passer. C’était beaucoup plus facile quand il était plus petit…

Il arriva finalement dans la pièce où il avait eu tant de discussions avec son ami. Il se les remémorait, en parties. C’était ici qu’il s’était fait donné son surnom, ici qu’il avait aidé un ami à pouvoir aimer la vie. Ici qu’il avait vu ce même ami mourir devant lui. Il versa une larme. Pourquoi? Pourquoi c’était toujours les mêmes loups qui avaient la vie dure?

Il se coucha sur le dallage et pleura en silence. Il y avait tant de choses qu’ils n’avaient pu faire avec lui, tant de promesses qu’il n’avait pu tenir. Sa vie avait été meilleure grâce à l’oméga, et la vie de l’oméga grâce à lui. Mais… Un bruit de pas, très léger, le fit se retourner. Un gamin, ou une gamine.

- Que fais-tu ici? Tu ne devrais pas dormir? Tu sais que tu n’as pas le droit de te promener dans le coin?

Elle ne vivait plus au même endroit? Ça voulait dire quoi? Qu’elle venait d’aménager dans le château? Alors elle n’était pas des enfants du coin. Elle ne devait pas avoir été apportée aux nourrices. Ainsi donc, elle grandissait normalement. Cette option semblait peu probable. À sa connaissance, tous les enfants étaient éduqués au château. Mais il était certain de ne l’avoir jamais vu. Y avait-il des familles isolées, que Pheonix ne connaissait pas? À moins qu’elle ne vienne d’un autre clan, ou qu’elle soit une solitaire.

Pheonix ne masqua pas sa curiosité. Il s’approcha de la petite et s’accroupit, pour ne pas la dominer et lui faire peur. D’une vois douce et fraternelle, il prit la parole :

- Bonjour Prolyxe. Moi, je me nomme Snow. Mais dis-moi, pourquoi n’aurais-tu pas le droit de dormir ici? Serais-tu d’un autre clan? D’où viens-tu exactement? Tu sais, je ne comprends pas vraiment ce que tu veux dire, lorsque tu dis que tu ne vis plus au même endroit depuis quelques temps? Tu as aménagé récemment?

Il n’avait pas utilisé son vrai nom. Il n’utilisait jamais son vrai nom, même avec les autres enfants. Il ne se laissait appeler Pheonix que par sa famille, les autres nobles et ses « supérieurs », soit l’Alpha et les bêtas du clan.

Snow… Ce nom lui venait de son ami… Une aura de tristesse nostalgique voila son regard quelques secondes. Puis il y pensa : ses paroles pouvaient faire peur à la petite. Son ami oméga avait subi bien des souffrances et du rejet sous forme de questionnement.

- Tu sais quoi, ça n’a aucune importance. Tu as tout à fait le droit d’être ici et tu ne dérange personne. J’étais simplement surpris de te voir, surtout ici. Jamais personne ne vient ici, à part moi. Alors du coup… Laisse tomber. Tu veux jouer?

Pauvre petite… Perdre ses parents alors qu’elle était si jeune. Ce devait être terrible. Et pourtant, elle ne semblait pas si affectée que cela. Comme quoi certains réagissent mieux que d’autres à ce genre d’événements tristes. Quant à la famille… Pheonix lui proposerait bien de l’adopter, mais il ne serait pas un bon père. Lorsqu’elle affirma ne pas avoir mangé depuis deux jours, le loup eu de la peine. Comment cela était-il possible? Cette enfant devait tant souffrir! Il ne pouvait pas rien faire.

- Tu as tout à fait raison. Il est principal que tu te mettes quelque chose sous la dent. Malheureusement, à cette heure, les chasseurs ne sont pas revenus. Il va falloir chercher nous même. Mais bon… Je suis désolé d’avance, je dois le dire, je n’ai jamais chassé. Ce sera donc une première pour nous deux.

À son physique, elle n’avait jamais chassé d’elle-même, c’était certain. Encore une fois, des images de son ancien ami vinrent le hanter. L’oméga n’avait jamais connu le bonheur de chasser, lui non plus. Lorsque Pheonix l’avait connu, il était déjà trop faible pour ça. Ce qui amena, une fois de plus, la question que le loup s’était posée assez de fois pour en avoir oublié le nombre de centaine. Pourquoi? Pourquoi ces loups, naturellement désavantagés, devenaient-ils les souffre-douleur des autres? Ne devrait-on pas les aider? Après tout, ils n’avaient jamais choisi de naître ainsi…

Mais pour l’instant, il était préférable qu’il reste concentré sur la petite. Il n’y avait pas grand-chose dans le château, et elle devait être trop fatigué et affamée pour aller plus loin. Où avait-il vu de quoi à manger? Ah oui!

- Viens avec moi, je sais où on peut trouver des rats. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est mieux que rien, non?

L’oméga allait souvent se cacher dans les cachots. Aucun loup n’allait par là. Pheonix allait souvent l’y rejoindre. C’était de ça, des rats, que l’oméga s’était nourri, tout au long de sa vie. Il n’avait jamais mangé de vrai repas. Une fois de plus, le loup réprima une larme.

Pheonix n’aimait pas voir Prolyxe pleurer. Mais un louveteau affamé ayant vécu un drame… ça pleure. Il ne savait pas comment la consoler… Avec l’oméga, le simple fait de lui adresser la parole sincèrement avait suffit. Là, c’était beaucoup plus compliqué. Que pouvait-il dire ou faire? Il faudrait qu’il l’apporte aux nourrices. Elles, elles sauraient quoi faire.

Rendu au cachot, il regarda la jeune louve essayer d’attraper un rat et échouer, puis il tenta lui aussi. Ce n’était pas aussi facile qu’il l’avait pensé, mais ses réflexes et son expérience de vie lui permit de réussir du premier coup. Il l’apporta à Prolyxe.

- Oui, j’en ai eu un. Tiens, manges-le, tu te sentiras mieux.

Enfin, il espérait…

- Lorsque tu auras assez mangé, nous pourrons jouer autant que tu veux. Je te laisse même choisir le jeu!

Il força un peu son sourire aimable. Il n’avait pas envie de sourire, pas du tout. Il avait essayé de jouer avec son ami oméga, mais ce dernier s’en était mal tiré. Ils n’avaient jamais pu rejouer ensemble par après. Pheonix en avait été si triste… Pour se changer les idées, le loup attrapa un autre rat.

- Essaie encore, tu vas réussir, j’en suis certain!

Pheonix regarda la petite essayer d’attraper des souris. Voir son appétit faisait du bien. Après qu’elle eut été privée de nourriture si longtemps, savoir qu’elle avait enfin quelque chose dans le ventre pour le calmer un peu le réconfortait. Puis elle proposa le jeu de la tague, et commença à courir. Le loup avait joué à ce jeu, avec son ami l’oméga… tout comme il avait joué à la cachette. Il ne proposerait toutefois pas ce jeu à la petite. Si jamais elle se perdait et que Pheonix ne la retrouvait pas… Il lui laissa le temps de courir un peu avant de se mettre à la poursuivre. Pour ne pas la rattraper tout de suite et mettre fin au jeu prématurément, il se força à ralentir l’allure, ou fit exprès de trébucher, ou encore il prit de légers détours. Il s’arrangea pour ne jamais la perdre de vue, toutefois.

Puis après un moment, il décida de mettre fin au jeu. Il fit un autre de ses légers détours et augmenta la cadence pour dépasser Prolyxe, puis il surgit devant elle et elle lui rentra dedans. En riant, il s’exclama :

- Allez, je t’ai eu! Maintenant, nous allons aller voir les nourrices. Elles prendront soin de toi, tu sais, elles sont très gentilles. Tu ne manqueras de rien avec elles, je te le promets. Et tu auras des partenaires de jeu aussi, tu ne t’ennuieras pas.

Sans lui laisser le temps de répondre, Pheonix fit pousser ses ailes, en une seconde à peine. Avec l’une d’elle il attira la petite contre son flanc et commença à marcher vers l’endroit où les nourrices travaillaient. Il s’occuperait bien de la petite, mais il ne le pourrait pas éternellement, il avait du travail. Et puis elle serait mieux, avec d’autres enfants.

- Alors, pendant que nous faisons la route : as-tu des questions? J’essaierai d’y répondre du mieux que je peux. Mais bon, mes connaissances ont des limites, alors tu ne dois pas m’en vouloir si je ne peux pas te répondre.

La question de la petite le bouleversa. Que pouvait-il répondre? Reverrait-elle ses parents? C’était peu probable. Mais il ne pouvait pas lui dire. Il allait lui répondre de ne pas s’en faire, qu’ils pourraient essayer, ensemble, de les retrouver, lorsqu’elle parla de nouveau. Quoi? Lui, être son père? Et lui trouver une mère? Mais… Mais il n’avait pas envie d’avoir une compagne! Il ne pouvait pas juste choisir n’importe qui! Même pour une enfant… Il voulait qu’elle soit heureuse, mais quand même, il ne pouvait pas tomber amoureux sur commande! Ça et puis… il ne serait pas un bon père. Il ne pouvait pas élever une enfant alors qu’il avait passé sa vie à haïr ses parents. Il ne voulait pas qu’elle le déteste. Et puis… il avait du travail à faire, et de la nostalgie à laisser se perdre dans la nature. Non, décidément, il ne pouvait pas.

- Je suis vraiment désolé, Prolyxe, mais… je ne peux pas être ton père. J’en serais incapable. Je préfère te savoir entre les mains de louves qui savent comment s’occuper de toi, et qui sauront te rendre heureuse. Et puis, tu auras tout plein de frères et sœurs pour jouer avec toi! Tu sais… si tu veux, je peux par contre être ton grand frère. Ton grand frère juste à toi, à personne d’autre! Je vais voir les enfants tous les matins, ou presque, alors nous nous verrons souvent, et je pourrai jouer avec toi. Et dans mes temps libre, mes jours de congé, je chercherai tes parents. Je t’emmènerai avec moi, si les nourrices le veulent. Seulement je crois qu’elles auront plein de choses à t’apprendre, et qu’elles refuseront de te laisser partir tant que tu ne leur auras pas montré que tu es une jeune louve intelligente. De ce côté-là, je ne crois pas que tu auras de problèmes.

Il la serra un peu plus contre lui, pour la réconforter. Pauvre petite… C’était si terrible… Il aurait voulu pouvoir la réconforter, lui promettre tout ce qu’elle voulait, mais… Il lui donna un coup de langue réconfortant sur la joue.

- Ne t’inquiète pas. Je ferai tout mon possible pour que tu t’intègres bien dans le clan, et que tu sois traitée comme l’une d’entre nous. Mais… dis-moi… qu’est-il arrivé à tes parents? Je sais que c’est douloureux pour toi d’en parler, mais si je veux pouvoir les trouver, il me faut des indices, tu comprends?

Il laissa passer un peu de temps. Elle semblait hésiter à répondre. À nouveau, il tenta de la réconforter d’un coup de langue fraternel.

- Ce n’est pas grave, si tu ne veux pas parler, tu sais. J’attendrai que tu sois prête.

Assassinés… Alors finalement il ne pourrait pas les trouver… Ilse sentait mal, il était triste pour elle. C’était si cruelle ce qui lui était arrivé, à cette petite! Pheonix ne put s’empêcher de verser une larme. Même son ami Omega n’avait pas eu une vie si terrible… Le loup de l’air était sincèrement désolé pour Prolyxe, et il aurait voulut l’aider. Malheureusement, seul Pandore avait le pouvoir de ramener les morts à la vie, et il était préférable de ne pas s’adresser à elle.

- Je suis désolé Prolyxe… De la façon dont tu en parlais, je ne pensais pas que c’était si terrible. Avoir su… Je n’aurais jamais posé de question.

Une nouvelle famille… Tout dépendait de ce que la petite appelait une famille. Pour Pheonix, il n’avait eu qu’un frère dans sa vie, et il était mort… Et il n’arrivait pas à l’oublier…

- Bien sûr que tu auras une nouvelle famille! Le clan de l’air au complet sera ta famille! Et moi je serai ton grand frère à toit toute seule, comme je te l’ai promis. Je te montrerai les plus beaux endroits du territoire, te ferai rencontrer les loups les plus gentils, et ils t’accepteront comme une petite sœur! Et tu auras plein de maman, toutes les nourrices, en fait!

Il le pensait. Cette petite irait vite mieux, et elle serait entourée de loups qui allaient l’aimer. Tout ce qu’il espérait, c’est qu’elle finirait par oublier ses parents. Cela détruirait sa vie si elle se limitait à l’état dans lequel elle était. D’ailleurs, Pheonix devrait réussir à oublier son ancien ami, un jour, ou plutôt arrêter d’y penser comme il le faisait. Mais c’était si dur… Dans son cœur, il souhaita que Prolyxe ait plus de force que lui, et qu’elle y parvienne, elle.

Ils arrivèrent enfin chez les nourrices. Pheonix était convaincu que c’était la meilleure décision. Prolyxe serait bien intégrée et elle oublierait rapidement sa peine. Et il reviendrait la voir, chaque fois qu’il aurait le temps. Elle avait encore toute sa vie devant elle, elle était encore jeune. Elle aurait bien du temps pour s’en remettre et s’amuser.

-Merci Snow, tu reviens me voir bientôt, je vais m'ennuyer de toi... je te serai toujours redevable, tu es si gentil, maintenant, je vais pouvoir me faire des amis et apprendre à jouer à de nouveaux jeux! Merci encore, je vais venir te voir si tu ne viens pas! Une nouvelle famille pour moi! Ce n'est pas grave tu sais... je vais essayer d'oublier ça...

Oui, elle serait heureuse ici. Elle connaîtrait tout ce que… tout ce que son ami oméga n’avait pas pu connaître… elle, elle avait une vie… elle pouvait avoir une vie… réprimant sa tristesse, il lui fit un sourire.

- Tu n’auras pas besoin de venir me voir, car je passerai tellement souvent que tu me supplieras de ne pas revenir et de te laisser tranquille! Quant à la famille, tu n’as pas à t’inquiéter, tout le monde t’accueillera ici.

Il la regarda prendre contact avec l’une des nourrices avant de se détourner et de s’éloigner.