Tu te souviens ? { LiBRE }

Marchant silencieusement dans les terres ennemies, Andy regardait au loin de ses yeux bleus-blancs perdus vers l'horizon. Un demi-sourire au visage comme plutôt rarement, ses pattes s'écrasaient lourdement dans la boue créée hier soir, une pluie diluvienne ayant tombé sur les terres d'habitude sèches et sablonneuses. Curieux, il sentit quelques fleurs et plantes de l'endroit qu'il trouvait sur son chemin, mais se résigna vite à arrêter ; un insecte avait sorti d'une d'entre elles et l'avait sauvagement mordu au nez, l'inquiétant un peu pour la suite des évènements. La nuit était tombée depuis peu, et la lune éclairait à peine son passage, les arbres de la forêt dans laquelle il se trouvait maintenant trop épais pour laisser de gros rayons filtrer à travers leurs grandes feuilles. Heureusement, la couleur de ses yeux lui permettait de voir un peu mieux dans l'obscurité quasi-totale de la forêt, sans compter son pelage lumineux qui éclairait son chemin. Les terres de la Mort. C'était dangeureux de se trouver ici en temps de guerre, surtout quand la guerre est exactement contre eux ; même en tant qu'alpha, Andy n'était pas suffisament puissant pour vaincre des ennemis et surtout à lui seul. De plus, le fait d'être dans leurs terres leur permettait une plus grande défense et d'être plus nombreux au combat. Mais le loup se faisait très méfiant, et le noir de son pelage l'aidait à se camoufler. Les lueurs vertes de son pelage se faisaient moins ardentes quand il essayait de se cacher, comme si elles pouvaient lire dans ses pensées & ses désirs. Mais Andy continua donc d'être prudent, ne désirant pas déclencher la colère des morts...
Trouvant une grotte au loin dans laquelle il pourrait peut-être se cacher afin d'y passer la nuit, il pressa un peu le pas, espérant pouvoir s'arrêter un peu pour guérir ses pieds endoloris - et sa truffe toujours un peu douloureuse de sa douteuse morsure de tout à l'heure. Entrant dans les épais ténèbres de la caverne, il ne vit rien à l'horizon, insinuant donc qu'elle était vide et que son locataire était probablement parti en chasse ou tout simplement inexistant. Il marcha donc un peu vers le fond, se cognant contre la paroi rocheuse de la grotte. Mais aucun son ne s'échappa de sa gueule ; son calme était tout simplement inébranlable, le rendant donc beaucoup plus résistant à ce genre de chose. Mais son pelage recommença à luire à son intensité habituelle, dessinant une silhouette couchée dans l'entrebaîllement de la ' porte ' ; silhouette qui tout à l'heure était invisible dans l'obscurité totale de la grotte aux souvenirs. Tentant de ne pas être remarqué - ce qui impossible lorsque son pelage reluit d'une telle ardeur -, il essaya de sortir de la grotte. Mais sa robe était trop visible et il renonça à cette idée après quelques pas ; de toute façon, le loup qui était endormi devait probablement l'avoir déjà remarqué. Il resta donc là, calme, inébranlable, son demi-sourire effacé depuis assez longtemps déjà, ses yeux perdus vers l'horizon. Enfin, c'est que nous, nous croyons, mais il observait en fait la réaction du canin, qui somnolait sans se réveiller - pour l'instant...

« Il ne m'a toujours pas vu. Espérons que je sois capable de sortir avant son réveil, car j'ignore s'il fait partie du clan de la mort, et il est certain que je ne suis pas apprécié ici, peu importe qui il est. De plus, je ne voudrais pas déclencher une bataille ou être mal vu en tant qu'alpha... » pensa Andy pour lui-même, réfléchissant un peu sur son plan. Il espéra pouvoir sortir pendant un moment, jusqu'à ce que ses paupières se firent plus lourdes et qu'il commence à lui même s'endormir. Il s'allongea donc, ignorant le danger, et ferma les yeux afin de faire une petite sieste. De toute façon, s'il était réellement du clan de la mort, il semblait seul et plutôt faible, Andy pourrait donc le maîtriser facilement. De toute façon, il lui restait toujours son pouvoir, que l'alpha n'utilsait qu'en dernier recours, étant d'habitude civilisé, pur d'esprit, loyal & juste ; donc, il se laissa aller à des rêves, mais ne dormait que d'un oeil, le sommeil léger et prêt à sauter sur ses pattes aussitôt qu'il en aurait besoin. Et puis, si l'ennemi avait un minimum de logique, il attendrait des renforts avant de lancer la bataille, ou tout simplement accompagnerait Andy jusqu'aux frontières de leur territoire pour le laisser partir, comme en suspens de cas ; il n'avait donc rien à craindre. Son sommeil se fit rapidement plus lourd, mais il restait quand même à l'affût du moindre son ou odeur suspecte qui pourrait le faire sortir des bras de Morphée...

« - Qui est là ? » fit la petite silhouette, levant la tête vers Andy.
Elle semblait frêle, petite et tremblait dans l'obscurité, comme effrayée par l'alpha. Après un moment à observer Andy, la créature se leva sur ses pattes, et avança lentement vers la sortie. La terreur l'empêchait d'aller bien vite, mais le Métal le voyait tout de même trembler sur ses pattes en tentant de les déplacer à la vitesse la plus élevée qu'il le pouvait. Malheureusement, il semblait presque incapable de bouger, et pendant un moment, Andy se surprit même à le prendre en pitié ; mais bien vite, il se secoua la tête et chassa ces pensées étranges de son esprit. Il commença donc à marcher en direction du loupiot, sa propre luminosité éclairant son chemin, et s'installa tranquillement devant lui. Il attendit là un instant, espérant voir la réaction du louveteau. Il se lassa toutefois bien vite de cette attente monotone et inutile, et occupa donc la place sur le rocher où avait dormi le loup. On pouvait bien le deviner à la chaleur de la pierre comparativement au reste de l'endroit, qui respirait la froideur et un tempérament glacial. Il s'étendit en s'étirant sur le caillou, prêt à s'endormir encore une fois. Les paroles de l'animal l'avait éveillé de son léger sommeil, mais ne l'avait pas fâché ; il n'était pas rancunier, et avait une patience énorme. Il regardait donc le petit loupiot tenter de s'en aller, prêt à se sauver au moindre mouvement que ferait l'alpha. Il n'osa pas le déranger ; qu'il s'en aille, si c'est ce qu'il désirait. De toute façon, il aurait tôt fait de se faire tuer par les ennemis, et s'il avait un minimum de logique et tenait moindrement à sa vie, il rebrousserait chemin dans quelques instants. L'alpha se fichait un peu du destin qu'incombait à ce jeune loup, alors il le laissait faire, n'intervenait pas et s'il était pour se faire tuer, ne bougerait pas d'un poil, si ce n'est que pour sauver sa propre vie. Il était un peu égoïste malgré son statut d'alpha ; les loups du clan se demandaient souvent comment il avait fait pour rejoindre ce rang. Car, tout le monde savait aussi bien que lui que si jamais son clan était envahi et que tout le monde se battait dans d'acharnés combats, et que ses inférieurs mourraient, il ne ferait rien que se sauver pour défendre sa vie à lui.
Donc, Andy restait là sans rien faire, ni bouger, ni parler, observant toujours le louveteau qui tremblait de peur devant lui. Il finit par laisser ses paupières tomber sur ses yeux, et partit vers les bras de Morphée, indifférent au monde qui l'entourait.

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« Qui êtes-vous ? » demanda à nouveau le petit loup.
Ce à quoi Andy ne répondit évidemment pas. Mais ce qu'il pouvait être énervant, ce petit ! Ça lui servirait à quoi, de toute façon, de connaître l'identité de notre cher Alpha ? Peut-être espérait-il créer un lien, ou tout simplement pouvoir rentrer chez lui, escorté par une silhouette un peu plus costaude que lui-même... Mais l'alpha resta étendu, évitant son regard en balançant légèrement la tête du côté inverse du louveteau. Il est inutile de parler. De toute façon, il ne comptait pas lui répondre, pour la simple et bonne raison qu'il n'en voyait pas l'utilité. Il retourna donc à ses rêveries, ignorant le monde alentour. Pourtant, sans même avoir à regarder, Andy savait que le petit persistait, qu'il s'approchait encore et toujours de son rocher, n'attendant qu'un peu d'attention de la part du loup. Alors pendant quelques temps, il réfléchit à une réponse qui pourrait le faire taire, mais qui ne révèrelait pas toute son identité. Par exemple, son rang ; mais non, ce dernier était bien trop élevé pour que l'on puisse en parler avec un inconnu dans son genre. Son nom de lignée se devait de rester confidentiel, et de toute façon, Andy ne s'en souvenait probablement pas - s'il s'en souvenait, il n'en parlait jamais. Son prénom était quelque chose de bien trop évident, et il n'y avait sûrement pas un autre loup ailleurs dans ce monde qui portait le même que lui, pour la simple et bonne raison que les loups des terres du monde étaient tous bien uniques en leur genre. Alors quoi lui répondre ? Une autoproclamation ? Un titre ? Pourquoi pas. Il commença donc à inventer des titres qu'il pourrait peut-être donner en réponse, alors que le petit loupiot le regardait de ses yeux doux, invitant. Faut-il croire qu'Andy n'avait pas l'habitude de parler ; donc, construire un discours, créer des phrases et tout ça n'était pas quelque chose de naturel pour lui, aussi s'efforçait-il de trouver quelque chose d'original et de satisfaisant. Dans sa tête se bousculaient plusieurs idées ; L'ombre ? Le solitaire ? L'unique ? Le seul ? La lueur ? Le sombre ? Il pigea donc dans cette petite liste, et sortit un titre au hasard :

- L'unique.

Ce mot semblait venu de loin, ayant traversé d'horribles contrées barbares ; sa voix était caverneuse, comme celle de quelqu'un qui n'avait pas parlé depuis très, très longtemps ( ce qui était le cas ) . Elle aurait pu faire trembler de peur le petit louveteau tant elle était sombre et effrayante ; mais il ne le fit pas, ce qui étonna un peu Andy. L'unique. Ce nom lui allait affreusement bien. Car oui, l'alpha était unique ; jamais personne que vous pourriez rencontrer dans votre vie pourrait lui ressembler. Son pelage brillait dans les ténèbres, il était toujours seul, son regard semblait perdu dans le vide... Et parce qu'il ne parlait jamais - ou presque, seulement lors de réunions d'alphas -, tout cela se mélangeait pour former un personnage peu charismatique et mystérieux, sombre, étrangement attirant... Il jetta donc un regard vide vers son interlocuteur, un peu embarassé par sa présence. Andy voulait être seul ; pourquoi avait-il donc resté et ne s'était pas sauvé ? Rien ne l'empêchait de le faire tout de suite. Pour peu, il l'aurait fait, mais ce loupiot avait beau être collant et énervant, l'alpha sentait quelque chose depuis qu'il était avec lui ; esprit de famille ? compassion ? empathie ? Inutile de tenter de le deviner ; même lui ignorait ce qu'était ce sentiment qui grandissait en lui...

« Mais... qui est ce jeune loup qui vous accompagne ? »
Ces paroles brisèrent le silence. Et pour peu qu'Andy s'occupait du monde autour, il n'avait pas vu entrer la louve. Il se retourna donc, quelque peu surpris par la voix crystaline & envoûtante de la demoiselle. Et sa surprise fut encore plus grande quand il apperçut la louve ; elle était tout simplement magnifique. Son pelage blanc se mêlait parfaitement aux teintes violettes de ses cheveux, et sur ses grands yeux charmeurs étaient posés de longs et épais cils, rendant son regard encore plus ravageur. Andy fut sans voix un instant - quoiqu'il l'était toujours -, et bomba un peu le torse pour impressioner la nouvelle arrivée. ( Il bombait le torse de façon très subtile, afin qu'elle ne s'en rende pas compte ). Non pas qu'il en était amoureux, loin de là : il était tout simplement un peu sous son charme, et n'importe quel autre loup mâle aurait vu une telle beauté aurait réagi de la sorte. Pendant ces instants, l'alpha avait oublié le petit loupiot, et au bout d'un moment, il reposa son regard sur lui. Il s'apperçut assitôt à quel point la créature s'était avancée, pour venir se coller au rocher sur lequel il était couché. Toutefois, cela n'avait aucune importance pour le moment ; la louve avait capté toute son attention et son regard, quoique toujours plutôt vide, était rivé sur sa beauté. ( Il ne l'avait pas vue s'incliner et ne pouvait donc pas deviner qu'elle lui vouait un grand respect, mais nous, nous le savons déjà. ) Il ne parla pas, car c'était inutile ; il n'était de toute façon pas capable de porter des paroles douces et charmeuses. Par contre, sa queue levée et sa tête haute en signe de dominance et de puissance, il éloigna un peu son regard d'elle afin de ne pas avoir l'air trop ' possessif '. ( Quoique, elle ne savait peut-être même pas qu'il la regardait tant il faisait noir et tant le regard d'Andy était vide et sans émotion... ). Remarquant la faible intensité des lueurs de son pelage, l'alpha augmenta donc leur luminosité afin d'éclairer la grotte. Des fines goutelettes d'eau tombait du plafond à cause de l'humidité intérieure de la petite caverne ; et le vent se faisait de plus en plus fort à l'extérieur, envoyant de grosses rafales toucher le fond, rebondir sur la paroi rocheuse et revenir soufflant dans les cheveux des loups.
Et puis, sans parler, Andy se leva et descendit en direction de la belle demoiselle. Il n'avait pas l'habitude d'ouvrir la gueule pour prononcer des mots, et surtout pas pour répondre à une question. Mais celle-là, c'était différent. Elle n'avait pas à insister pour donner l'envie à Andy de répondre à toutes les questions qu'elle pourrait poser ; elle n'avait qu'à lever les yeux vers lui. Trop... charmante. Il ouvrit donc la gueule et prononça ces brèves paroles :

- Un loupiot inconnu.

C'était bref, et peut-être cela ne lui suffirait pas ; mais Andy ignorait pourquoi parler était quelque chose d'important, et pourquoi c'était nécéssaire à la bonne entente entre clans et loups. Il était inutile de parler, selon lui ; on pouvait vivre de façon beaucoup plus simple par le biais du langage corporel, ou tout simplement avec des regards. ' Un loupiot inconnu ' ne suffirait peut-être pas à la demoiselle, mais cela suffisait amplement à Andy. Il ignorait quoi lui dire de plus ; car un loupiot inconnu, c'était bien ce qu'il était, non ? L'alpha ne le connaissait pas. Par son physique il pouvait en juger qu'il était jeune, et ses paroles, son comportement et sa personnalité insistante venait approuver les jugements d'Andy.
Je peux parfois approuver les dires de l'alpha. Il pourrait vous paraître tout à fait antisociable et pas charismatique pour deux sous ; c'est bien ce qu'il était, de toute façon. Mais il faut le comprendre : Il n'a jamais appris à parler par ses vrais parents, et les nourrices ont failli à lui enseigner les manières, la communication et ces autres détails. Il chassait bien, pouvait vivre seul - et le faisait très bien - et ne s'ennuyait pas ; c'était pour lui le plus important dans la vie, la communication venant très bas dans sa hiérarchie. À quoi cela servait-il ? Aux conflits uniquement, non ? Il souhaitait les éviter à tout prix, et donc espérait souvent ne pas rencontrer personne dans son chemin. Toutefois, aujourd'hui la chance ne semblait pas être de son côté ( ou peut-être que si, avec l'apparition de la magnifique louve. ).
Et aujourd'hui, l'envie de parler lui prenait tout d'un coup. Il sortit donc ces paroles, s'adressant à la demoiselle :

- Aurais-je la joie de connaître le nom d'une aussi jolie demoiselle, douce perle nacrée ? Vous devez probablement être une des plus belles choses que je pourrai voir dans ma vie, croyez-moi. Cela vaut franchement la peine de vous--

Il s'arrêta net.
« Mais qu'est-ce que je dis, moi là ? » pensa Andy. Il réfléchit un peu aux paroles qu'il venait de dire. Il les regrettait amèrement. L'alpha ne souhaitait pas donner l'impression à la louve qu'il était un de ces autres charmeurs romantiques qu'on voyait à peu près partout ; il était unique ( ça oui ! vous le connaissez sans doute assez pour en déduire cela, au moins ) et solitaire, surtout, et ne voulait pas partager sa vie avec quelqu'un d'autre. Et c'était quoi, cette envie soudaine de causer ? Tout ça pour une louve ! Ah, parfois, le monde va de travers... Était-ce pour le mieux, cette fois ?

« - Hannah... Je m'appelle Hannah, du Clan de l'Air. Désolée de vous poser la question, mais... Puis-je savoir ce qu'un loup de votre rang fait ici ? » demanda la belle.
Hannah. Andy trouva ce nom intéréssant. Il semblait dur et puissant, autant que doux et joyeux... Elle s'inclina une fois de plus devant l'alpha, un peu embarassée d'avoir à lui poser une telle question. Et le regard qu'elle avait posé sur Coulli n'augurait rien de bon entre ces deux-là. Elle vouait un immense respect à Andy, donc, et attendait d'une oreille attentive sa réponse. Que répondre sans trop en dire ? L'alpha n'avait pas les talents d'un orateur, et c'est pourquoi ce dernier lui était indispensable dans son clan ; il n'en avait toutefois pas encore trouvé, et ainsi, évitait les gros discours, se contentant de laisser son clan dans l'ignorance, ou quand l'envie lui en prenait, demandait à d'autres de raconter ses dires à sa place. Mais il ne pouvait laisser Hannah dans l'ignorance, elle. Son regard était trop envoûtant, sa voix, charmeuse... Tout cela mélangé à son incroyable beauté prenait Andy au piège, comme des tortueux bras qui le saisissent, et qui progressivement, se referment sur lui, petit à petit, et finiront éventuellement par l'étouffer... La belle demoiselle s'était relevée quand l'alpha voulut briser le silence - le voulut, ne le fit pas, donc - et le dévisageait poliement de ses grands yeux aux cils longs. Que lui répondre ? Cette question trottait dans la tête d'Andy. Que pouvait-il bien lui répondre ? Les deux clans n'étaient pas en guerre, certes, mais Coulli était solitaire et semblait soumis et incertain. Par conséquent, s'il le faisait prendre au piège par des loups de la Mort, il aurait tôt fait de tout leur dévoiler sur leur rencontre, rendant la discussion ENCORE PLUS ardue qu'elle ne l'était déjà pour notre cher loup. Il dévisagea méchament le solitaire. Pourquoi était-il là, lui ? L'alpha aurait dû le laisser partir. Ç'aurait été bien plus simple de causer si il serait parti dès le début ! Il s'en voulut un peu un instant, mais regretta amèrement le regard qu'il avait donné au loupiot. Il avait beau être mystérieux et un peu sombre, il n'était pas méchant, et surtout pas avec les louveteaux. Il le regarda donc à nouveau, avec le regard le plus attendrissant qu'il le pouvait - en vain, ses yeux ne changèrent pas et restèrent vides d'émotion. Il réfléchissait donc à une belle réponse qu'il pourrait composer pour la très chère Hannah. Il voulait avoir l'air intelligent, puissant - il l'était, de toute façon - mais pas vantard non plus. Ahhhh, mais que c'était difficile, de parler !

- J'explore.

Alors maintenant, il avait l'air d'un curieux. Il s'en voulut un peu de la réponse qu'il avait dite, mais cela ne paraissait pas ( aucune émotion ne paraissait jamais sur le visage d'Andy ). L'exploration est toutefois, comme vous et moi le savez sans doute, tout à fait normale pour n'importe qui ; il est important de connaître l'endroit où l'on vit, et même si l'alpha ne vivait aucunement en terres de la mort ( il devrait pourtant les éviter à tout prix ), il désirait les connaîtres. Pour justifier sa réponse, il y ajouta donc ces mots :

- Les terres ennemies, que j'explore.

Il se releva de la position assise dans laquelle il se trouvait ( il trouvait ça d'un inconfort extrême ) et alla en direction de la demoiselle. Commençant à tourner en cercles autour d'elle, ignorant un peu Coulli ; il l'observait de son regard vide. Et vous comme moi savez bien ce qu'il analysait, présentement... son sang !
Par le biais de son sang, il pouvait savoir une partie de sa personnalité, de son régime alimentaire, de son sentiment présent... La couleur de ses vaisseaux était pâle et luisante, comme un espèce de blanc-fantôme, teinté de reflets violacés et rosés. Puis il s'arrêta un peu sec devant elle. Aussi étrange pouvait-elle le trouver, il s'en fichait, lui... Il n'arrivait tout simplement pas à comprendre pourquoi un simple sentiment à l'égard d'autrui pouvait affecter la perception du mot ' étrange '. Car il n'était pas étrange ; il était différent, unique. Personne n'était comme lui, et c'était probablement pourquoi les gens le trouvaient bizarre. Mais comme dit plus haut, il s'en fichait éperduement... Puis il se retourna vers Coulli, qui semblait un peu seul dans son coin. Il retourna se coucher sur le rocher, aimant un peu paresser ; le loupiot était toujours là, collé au rocher. Et malgré le côté ' collant ' et énervant du petit, Andy ne pouvait s'empêcher de retourner auprès de lui, comme pour le protéger... Serait-ce un sentiment paternel, de famille, qui s'éveillait en lui ?

« Faites attention, Alpha ! La beauté pourrait cacher bien de mauvaises choses... » fit le petit loup à l'oreille d'Andy.
Il avait prononcées ces paroles à voix très basse, ne cessant de regarder Hannah pour éviter qu'elle entende ses dires. Puis, tournant ses yeux vers l'alpha, il s'accroupit et se coucha finalement sur le sol, satisfait d'avoir pu faire part de son message sans se faire entendre par celle qu'il considérait comme son ennemie.
« Tu parles d'un loupiot inconnu ! » s'exclama soudain Hannah.
Un peu déconcerté par ces paroles brutes, Andy fit un petit saut inperceptible. Il se releva un peu, inquiet. Oui, c'était un loupiot inconnu, mais comment en convaincre la demoiselle ? Ses yeux vides retournèrent se plonger sur le plafond, et ses pensées se muèrent en un assourdissant silence. Assourdissant, c'était le mot exact. Car malgré le silence, il ne put s'entendre penser, et ignorait même s'Il pensait présentement ; comment convaincre la demoiselle que Coulli était un loupiot inconnu ? L'alpha ne le conaissait que depuis quelques heures déjà, et à peine ; il ne connaissait que son nom, et son clan - solitaires, si on peut le compter comme un clan. Puis il décida de ne rien répondre ; Hannah lui tourna le dos, allant s'étendre plus loin, visiblement vexée. Elle semblait mal apprécier la concurence, que cela soit du niveau d'un jeune mâle, que d'une femelle plus âgée ou plus séduisante. À vrai dire, elle devenait facilement jalouse, et n'hésitait pas à bien le montrer ; ainsi, Andy se releva et retourna se coucher près d'elle, ignorant quoi dire.
Il n'avait besoin de rien dire pour l'instant.

Le petit Coulli regardait Andy d'un oeil accusateur. Raaah, il se prenait pour qui, celui-là ? L'alpha était bien capable de prendre des décisions seul (d'où son rang), et personne n'avait le droit de le juger ainsi. Hannah poussa un long soupir de fatigue en fermant doucement ses yeux, endormie. Alors Andy s'approcha encore plus d'elle et, passant sa queue sur le dessus de son dos, l'enroulant. Il ne disait rien mais son regard voulait tout dire : « Je la protégerai, peu importe ce qui doit m'arriver. » Et elle était drôlement chanceuse : Andy n'avait pas l'habitude de se comporter ainsi et surtout pas avec des louves d'un autre clan. Mais aujourd'hui, Hannah avait attiré son attention, et le loup était bien déterminé à la protéger de tous les dangers.
Au dehors, la tempête se faisait encore plus grave que tout à l'heure, et le vent se cognait contre les parois dans un lourd sifflement. Fermant les yeux, l'alpha rêvassa. Des plans. Des plans pour combattre l'armée ennemie, les Morts. Comment, comment pourrait-ce être possible ?

« - Cette tempête n'en finit plus... » soupira Hannah.
La louve resta étendue sur le sol pendant quelques temps jusqu'à ce que Andy se décide à se lever. Son rocher était plutôt haut, ainsi dût-il sauter pour atteindre le sol, mais une fois arrivé en bas, il marcha en direction de Coulli. Son pelage bleu découpait une silhouette dans le paysage de tempête, alors il le voyait très clairement. Puis, lorsqu'il fût situé assez près de lui pour pouvoir le pousser, il lui donna un léger coup de museau pour le pousser dans la tempête. Stupide loupiot, sortir par une telle météo !
Andy rigola un peu, puis sortit le nez dehors et attrapa le collier de fourrure de Coulli avec ses dents. Il le remmena à l'intérieur et le regarda d'un air accusateur.

- Tu vois? Sors pas, lui dit-il.

Puis il s'étendit à côté d'Hannah, le museau sur son dos pour la réchauffer du mieux qu'il le pouvait.