Do I really worth it ? ◊ Daniel

❝ Do I really worth it ? ❞
Kurt & Daniel

Il était normal pour un nouvel arrivant de vouloir visiter les terres. Après tout, quand nous sommes dans un lieu inconnu où nous vivrons probablement très longtemps, il est normal de le découvrir, histoire de ne pas se perdre et de savoir où est tel endroit qui pourrait être utile. En même temps, on peut rencontrer des gens, ce qui est pour la plupart des gens très intéressant.
Ce n'était pas le cas de Kurt.
À la place de farfouiller un peu partout, de lever son gros - ou plutôt maigre dans son cas - derrière et de découvrir, il était là, étendu dans un trou à peine déterré recouvert de feuilles, sa tête et ses pattes dépassant de son abri de fortune. Ce n'était pas par paresse qu'il faisait ça présentement.
C'était parce qu'il était dans un état presque morbide.
Il n'avait pas eu la force de creuser plus. Lorsqu'il avait secoué la terre, il sentait déjà ses muscles faiblir. Il savait déjà qu'il ne pourrait pas continuer ainsi longtemps. Alors, il était parti chercher quelque chose pour recouvrir son trou, que ce soit du foin ou des brindilles, ou n'importe quoi, tant qu'il puisse être réchauffé par quelque chose d'autre que sa carcasse maigre. Il avait eu la chance de trouver des feuilles de palmier qui sortaient d'on ne sait où dans une tanière abandonnée, ou du moins, qui semblait être abandonnée. Il les avaient apportés et avait continué à creuser. Malheureusement, son corps ne put résister longtemps à cet effort ma foi banale, et s'était résigné à placer les feuilles tout de suite. Puis, il s'écrasa par dessus, pas comme on s'écrase sur son lit après une dure journée de travail, mais comme on s'écrase sur le sol après avoir reçu une balle dans le crâne. Il sentait son cœur pomper son sang à une vitesse fulgurante, comme si un animal normal avait marché avec des poids de vingt kilos sur le dos pendant une journée entière. Ses pattes tremblaient de plus en plus, et il se demandait sérieusement si il allait pouvoir survivre jusqu'au coucher du soleil.
Pourquoi c'était à lui que c'était arrivé ? Pourquoi avait-il toujours été malchanceux ?
Installé ainsi, il n'avait plus la force de se relever. Il n'avait rien à manger ni à boire, et vu sa maigreur, il ne pouvait pas tenir ainsi éternellement.
Alors se découpa une silhouette dans l'horizon. Un animal grand et fort, bien qu'il ne pouvait pas voir la définition de ses muscles, mais ... Mais pourquoi voyait-il embrouillé alors que l'animal était à moins d'un mètre de lui ?
Il avait vraiment besoin d'aide. Tout de suite.
Soit l'animal l'aidait en lui offrant de la nourriture et de l'eau, soit il apaisait ses souffrances tout de suite. Dans les deux cas, l'adolescent serait content.
Mais le valait-il vraiment ?

Là gisait une stature dont le corps mutilé était meurtrie par la faim, ses côtes saillantes semblait se dérobé sous la peau blême et translucide recouvrant ses flancs. Veine et artère pulsaient sous elle, cruellement visible, gorgé de sang comme dans les scènes de film d'horreur... la dernière vision qu'on a de son héros avant qu'un geyser de sang ne vienne maculé l'outil de sa torture. Ses yeux d'un bleu céruléen et terne s'illumina d'une lueur vive, un esprit hardi et dégourdie venait de s'y éveiller, sortie d'un sommeille toujours aussi léger. Il pressa le pas, le mastodonte parcouru les mètres le séparant de l’adolescent en un temps record. L'air sûr, toujours aussi sévère marqua son visage d'une moue stoïque et affreusement calme. Chef de la légion de la braise, stratège guerrier et maître des situations... pour le moins hasardeuses. Le vent commençait à mugir, envoyant valser dans les airs, le mucus terreux recouvrant le sol et le manteau de feuilles mortes couleur de flamme délaissé par les arbres nus d'un noirs ébènes et d'un gris cendré anthracite. La brise glacé emmenait avec elle la rosé glacé, claquant à son visage en l'engourdissant par le froid, réveillant une vive sensation de douleur sur son épiderme sensible, la bête s'éveillait, grondante en lui. Il devait refaire le vide, ramener le silence en lui, au sein de ses pensées criantes se bousculant dans son esprit... Qu'elle se rendorme.
Le corps du jeune mâle demeura inerte dans le lointain, ses yeux semblait se ternir du pâle miroir de l'agonie, aussi faible que le roseau étant son emblème. Il pressa le pas, le sang bouillonnant du grand dogue pulsait à ses oreilles, tambours où bondissaient maintenant des baguettes de bambou dans un roulement assourdissant. Son épiderme brûlant faisait des siennes. La bête s'animait. Ses muscles roulèrent sous sa peau, comme sculptés par Michel-Ange dans le marbre blanc le plus pur et parfait qui soit. Lorsqu'il reposa son regard sur le jeune au pull rouge, la pression retomba d'un coup, comme si elle s'était élancé d'un pont, un élastique liant ses pieds. Il respirait, le regard jadis enquit du colonel se muta en un regard sévère, une idée toute faite attendait d'être mise en exécution. La bête s'était tut.

« 'Garde Qu'ossa donne le manque d'activité. » Ses yeux se plissèrent, un sourire railleur étira ses babines noires.
Il s'approcha du jeune, le fit passer sur son épaule pour le soulever, il était si léger que c'est sans effort que le militaire le porta.

« M'o te ram'ner che les infirmières, A font ben leur job et leur beau minois d'vrait te changer é z'idées ! » Un rire grave et rocailleux s'échappa de sa gorge. Il avait un humour douteux, mais au moins, il prenait le temps d'en rire, lui.

Il le traîna alors sur son dos, retournant sur ses pas. Ses pas soulevèrent un fin nuage de poussière qui retomba lentement au sol, fine poudre grisonnante. Sa voix s'éleva alors soldanelle et puissante, mais un timbre plus amical muait déjà son ton.

« Té d'où l'jeune ? Donne moé ton nom, j'aime ben savoir à qui j'parle. »

❝ ... Thanks. ❞
Kurt & Daniel

« 'Garde Qu'ossa donne le manque d'activité. »

Sur le coup, Kurt l'avait pris un peu mal. Le manque d'activité ? Comme si c'était quelque chose à lui reprocher. Il avait vécu presque toujours seul durant toute son enfance, mal nourri, battu. Mais, lorsqu'il sentit le chien passer sa tête sous son ventre, il se doutait bien qu'il blaguait. Et puis, de toute façon, il ne pouvait pas le savoir. Le canidé blanc et noir le souleva avec facilité, le loup pouvait s'en douter à la vitesse qu'il s'était retrouvé soulevé de terre.

« M'o te ram'ner che les infirmières, A font ben leur job et leur beau minois d'vrait te changer é z'idées ! »

Tenter de comprendre l'accent du chien ne se fit pas automatiquement, mais ce n'était pas si compliqué si il filtrait les mots qu'il comprenait. C'était un peu comme une autre langue.
Le jeune échappa un rire faible, qui ressemblait plutôt à un toussotement dans l'état qu'il était. Kurt rebondit sur le flanc du Dogue, qui l'emmenait hors des tanières. Soudain, il repensa qu'il voulait l'emmener chez les infirmières, et se demandait si elles l'aideront quand même si il n'était pas un loup de clan. Normalement, ces louves ont grand cœur, et qui laisserait un jeune mourant ? Il ne voulait pas essayer de faire pitié non plus, mais si il se mettait à leur place, il ferait le travail quand même si c'est un solitaire. Même si c'est facile de dire qu'on sauverait sa peau.

« Té d'où l'jeune ? Donne moé ton nom, j'aime ben savoir à qui j'parle. »

La voix du chien le fit sursauter, le loup étant perdu dans ses pensées.

« Kurt. »

Sa voix était rocailleuse, faible, malade. Kurt, solitaire dont personne n'a jamais voulu. Son congénère avait l'air sympathique et le jeune essayait de lui rendre la pareille, même si il avait de la difficulté à prendre son souffle pour parler.

[Désolé c'est court u_u]

Le jeune toussota, tandis que sa poitrine hoqueta, sautillante comme si elle était prise de courts sanglots muets. Un sourire railleur s'étira de plus bel sur son visage sévère, son keffieh québecois battant au vent. Ses muscles dorsaux roulèrent sous l'épiderme chaleureux, presque bouillant, du grand Dogue allemand, sa grande stature semblait onduler comme les vagues moutonneuses du ras d'une mère rageuse et agitée. Les ravis escarpés qui creusait un sillage naturel pour l'installation de tanières rendait la traversé légèrement moins aisé que s'il aurait s'agit d'une plaine vaste et plane comme les plateaux texans. Comme il portait un blessé, le chemin du retour se composait de détour et de traversée délicate à pas lents et mesurés, mais au moins, ils avançaient à bon rythme. Un panache de nuages blancs et fins recouvrait le ciel de zébrures transcendantes et légères comme tout. Le ciel bleu se ternissait de gris, le soleil perçant illuminait le paysage d'une lumière sans chaleur. Sa question retentit comme une tonne de brique dans l'esprit préoccupé du jeune mâle dont le nom lui était connu comme étant :

« Kurt. »
« Daniel. » Il sourit, le couvert de la forêt s’éclaircissait lentement. Clairsemant le bas-relief du boisé de lumière.

« T'o po a t'inquiéter, si y passent un c'mentaire, m'o m'charger de botter L'cul dla direction. »

Tout un numéro se chef de légion. Un nouveau rire railleurs et rauque naquit alors au fond de sa gorge.
Tout compte fait, il l'aimait bien ce garçon. Il n'était pas du genre aussi ''coincé'' que tout les autres.