Send Me An Angel [PV Snownight]

Un frisson parcourut son échine. Il glissa un court moment, et disparut, ne fut plus qu'un souvenir lointain, oublié.
Le loup étira ses longues pattes et bailla longuement, les yeux encore mi-clos, le regard vague et ensomeillé. Un rayon de soleil insouciant entra dans la grotte où Sweenty avait passé la nuit et l'éblouit, l'obligeant à se lever. C'était l'aube. Le pâle soleil matinal, la rosée sur les fleurs et dans l'herbe. Son moment favori.

Après être sorti de sa grotte, qui lui avait procuré pendant un éphémère moment de repos, il s'élança en courant à travers la plaine, le paysage et la nature en éveil défilant sous ses yeux brillants. Il s'engagea dans la forêt, d'attaque pour la chasse. Il était en pleine forme, reposé et vigoureux. Evitant les obstacles naturels, il se fraya un chemin parmi la forêt, traquant son gibier. C'était comme ça tous les jours. Il chassait et le soir venu, il cherchait une nouvelle grotte où passer la nuit. Vie monotone, peu excitante, quoique quelquefois ponctuée de charmantes rencontres qu'il avait tôt fait d'oublier.

Un lapin détala. Sweenty l'aperçut et accéléra l'allure, le rattrapant peu à peu. Il n'était plus qu'à quelques mètres... Le petit animal lui jeta un regard apeuré, suppliant mais cela n'attendrit même pas le lupin. Tuer ou être tué, tel était la devise. Comme les autres, il préférait tué plutôt qu'être tué. Il devait se nourir pour avoir des forces, s'il voulait être en mesure de se défendre contre d'éventuels prédateurs. Mais jusque-là, les seuls prédateurs qu'il avait pu rencontrer étaient des loups, comme lui.
Sweenty ouvrit la gueule, prêt à serrer son corps frêle entre ses crocs puissants et acérés. Il plia les pattes, poussa de toutes ses forces, effectuant ainsi un bond majestueux qui lui permit de rattraper la bestiole et de s'effondrer sur elle. Ses griffes et ses dents se plantèrent dans la chair vivante du rongeur, faisant couler sans pitié son sang encore chaud. L'animal n'avait au moins, pas souffert. Il devait déjà être mort de peur avant que Sweenty ne le découpe.

**

Revenu d'une chasse fructueuse, repu, il s'allongea sous un arbre. Le lapin n'avait pas été le seul gibier qu'il avait trouvé, en cette matinée. Il avait aussi eu la bonne chance de tomber sur un sanglier qui lui permit de se restaurer complètement. Sweenty lécha son pelage blanc unicolore, essayant d'en ôter toutes les traces de ses sanglantes ripailles. Quand il eut fini sa tâche, son pelage luisait d'éclat. Il jeta un regard autour de lui. Que faire ? Le soleil était à son zénith et voilà qu'il ne trouvait plus d'occupations. N'importe quelle idée aurait été la bienvenue pour le divertir, ou l'occuper du moins. Parfois, le loup blanc rêvait d'une vie de famille... Idéale. Il saurait comment passer ses journées et ne s'ennuierait plus jamais, oh non. Mais c'était presque inenvisageable... Enfin du moins, c'était ce qu'il pensait.

Grave et interdit, perdu dans les méandres de son esprit, il se leva sans en avoir vraiment conscience et se mit à marcher, seulement guidé par son instint infaillible. Il le guidait tout droit vers quelque chose. Mais quoi ? Sweenty le découvrirait bien assez tôt.
Il marchait avec une grace et une majesté éloquente qui lui était propre, son regard luisant d'une étincelle flamboyante. Serein, il s'émerveillait de la puissance de mère Nature qui avait dôté cette forêt d'une si grande beauté. Qui avait doté le monde entier d'une magnificence sans borne. Il lui en était totalement reconaissant. Et tout le monde devrait l'être, selon lui. Sweenty ferma les yeux, en symbiose avec tout ce qui l'entourait. L'air, les arbres, les feuilles, les animaux, les insectes. Rien n'aurait pu le perturber...

« In this world you tried
Not leaving me alone behind
There's no other way
I prayed to the gods : let him stay

The memories ease the pain inside
Now I know why. »
Memories - Within Temptation.

Papa. Il aurait tellement voulu être là, ici, avec lui. Tous les deux, entre père et fils. Le plus âge apprenant au plus jeune des choses que l'autre ne savait pas, et inversement. Chacun avait sa propre culture, ses propres connaissances. En l'occurrence, Sweenty en possédait beaucoup en médecine. Et il aurait tellement voulu les partager avec son géniteur. La solitude et la tristesse le rongea, tandis qu'il y pensait. Orphelin dès son plus jeune âge, il avait dû se débrouiller par ses propres moyens jusqu'à ce qu'il fût adopté par le clan de l'Eau. A eux, il leur devait tout : la vie, la liberté, l'amitié. Tout. Ils l'avaient élevé, nourri, aimé comme leur propre enfant. Sweenty n'oublierait jamais cela et leur en serait reconnaissant toute sa vie durant.

Il rouvrit soudainement les yeux. Parmi les effluves de la forêt qui lui parvenaient, il perçut une odeur familière, qu'il connaissait si bien. Le clan de l'Eau. Un nouveau frisson parcourut son corps tout entier, courut le long de son dos, de ses membres et disparut instantanément. Ses oreilles remuèrent d'avant en arrière ; sa queue battait l'air d'un rythme irrégulier mais calme ; ses pattes étaient profondément ancrées dans le sol ; sa tête tournait de droite à gauche pour tenter d'apercevoir l'inconnu. Mais il devait être terriblement bien caché : Sweenty ne voyait rien. Il sentait juste.

Il fit un pas. Deux pas. Se rapprochant de la lisière de la forêt. Ses chaînes, qu'il portait accrochées aux pattes, cliquetèrent en suivant son mouvement. Il avait un style qui lui était propre : un glowstick vert luisant à la patte arrière, de multiples bracelets et breloques pendant à ses membres, des tatouages, une cicatrice sur son arrière-train nettement visible, un collier en cuir clouté et une frange noire qui tombait sur son visage, lui obstruant ainsi un œil. Mais derrière ce style qui lui correspondait peu mais qui lui allait si bien se cachait un loup sensible, attentif, pacifique et raisonné. Et beau. Oui, oui. On pouvait facilement remarquer qu'il n'était pas un de ceux qui passait inaperçus et que l'on oubliait facilement, une fois que l'on avait croisé son regard envoûtant. Pourtant, Sweenty n'avait rien d'un séducteur dans l'âme. Il était un loup des plus communs, ne recherchant ni la gloire, ni l'amour en particulier.

Il arracha subitement ses griffes de la terre et se déplaça dans la ronde d'arbres de quelques pas, encore. Son attitude était totalement amicale, quoi qu'un peu défensive. Il fallait s'attendre à tout avec les lupins. Car même si l'individu était de sa meute... On n’était jamais sûr de rien. Il balaya l'ombre des arbres d'un regard puissant mais bienveillant. Il ne fallait pas le craindre, il n'aurait même pas été capable de faire de mal à une mouche.

« Montrez-vous. Vous ne risquez rien. Je fais partie du clan de l'Eau, moi aussi. »

Il prononça ces quelques paroles sur un ton qui se voulait chaleureux, incitant ainsi le loup caché dans les fourrés à se montrer. Peut-être même qu'il connaissait ce dernier. Non. Quand même pas. Il y avait trop d'individus dans cette meute pour qu'il connaisse chaque nom, chaque visage.