Un petit congé [Privé Shaman] ABANDONNE

Pheonix ferma les yeux et prit le temps de savourer les courants d’air qui lui balayaient le visage et les ailes. Il avait décidé de prendre une journée de congé. Bien sûr, il avait prévenu tous les loups avec lesquels il avait des arrangements afin qu’ils ne l’attendent pas. Il avait donc commencé sa journée en se rendant auprès des nourrices. Le loup de l’air adorait jouer avec les enfants, et il n’aurait pas pu s’en passer, même en ce jour de congé. Les enfants étaient si… Insouciants, heureux, il les enviait. Tout comme il leur enviait de pouvoir avoir des amis. Lui, il s’entendait bien avec un peu tout le monde, et il avait des discussions intéressantes, mais il ne se sentait pas prêt à confier quoi que ce soit aux autres. Il ne partageait la vision enthousiaste des petits qui croyaient que tous les loups étaient gentils et voulaient s’amuser avec eux.

Après les avoir diverti, et que les nourrices aient jugé utile de le mettre à la porte, les enfants ayant d’autres choses à faire que de s’amuser tout le temps, il s’était envolé en direction de la plaine. Il n’avait toutefois pas fait de détour. Il aimait bien sentir le vent et le soleil sur sa fourrure, mais il considérait ses ailes comme un moyen de transport, et rien de plus. Il y avait d’autres façons de sentir la brise et de se dorer au soleil en même temps. La plaine, était l’une de ces façons. C’est pourquoi il s’y rendait, il voulait se détendre. Il survola donc les lieux en regardant le paysage défiler, se trouva un énorme champignon, assez grand pour que quatre loups puissent s’y tenir, et s’y posa, avant de rétracter ses ailes, qu’il trouvait encombrantes sur le sol. Là, il s’assit et regarda l’horizon.

Il aurait tant aimé pouvoir amener son ami oméga sur les lieux. Regarder avec lui, avant l’aube, les reflets de la lune parcourant comme une mer d’illusion le tapis de la plaine. Puis assister au levé du soleil, et faire des courses de papillon. L’oméga n’avait jamais eu cette chance, et jamais il n’aurait eu l’occasion de même y penser. Il n’aurait vu de sa vie que le château dans lequel il avait grandi, et péri. Il n’aurait connu du monde que sa face la plus laide, celle de la société qui nous rejette et nous emprisonne dans des recoins obscurs. Il aurait eu une lueur d’espoir alors qu’il apprenait à connaître Pheonix et qu’il comprenait que le monde pouvait être beau, mais n’en aurait finalement jamais eu de preuve. Pour lui, le loup de l’air grava le tableau que la nature avait peint devant lui dans sa mémoire. Il ne l’oublierait pas, comme il n’oublierait pas l’oméga.

Pheonix sursauta lorsqu’il entendit une voix. Il ne vit d’abord pas d’où elle émanait, jusqu’à ce qu’il ne regarde par-dessus le bord du champignon. Un loup. Du clan de la terre à son allure générale, mais c’était peut-être un solitaire. Le loup de l’air n’avait jamais été doué pour ce genre de truc… Peu importe, les loups du clan de la terre ne faisaient pas partie des loups qu’on lui avait conseillé d’éviter, alors il ne voyait pas de mal à discuter un peu avec l’un d’eux.

Le premier problème s’imposa à son esprit : il était en haut, et ledit Shaman était en bas. Pour le régler, il se contenta de sauter de son promontoire, pour atterrir le plus souplement possible (ce qui se résultat tout de même assez bien, mais qui fut peu gracieux) à côté de son interlocuteur. Second problème, Shaman avait donné son nom… S’il y avait une chose que Pheonix détestait, c’était les gens qui accordaient de l’importance aux noms, ou plutôt l’importance accordée elle-même, et non pas nécessairement les gens. Il n’aimait pas cela les conversations enfantines où la première chose dite c’est : Moi je m’appelle « X ! » Et toi? – Bonjour « X, » moi je m’appelle « Y! » - Soyons amis! – Ah d’accord! Non, ce n’était pas son style. Mais après tout, ça n’empêchait pas une personne d’être sympathique… Il n’avait qu’à faire comme d’habitude. Il afficha donc son sourire le plus enjoué.

- Bonjour Shaman! Je suis moi aussi bien heureux de rencontrer un autre loup. Je commençais à m’ennuyer un peu, tout seul. Mes connaissances habituelles sont toutes trop occupées… Elles travaillent. Moi j’ai pris congé aujourd’hui, mais y’a personne ici. Je suis allé jouer avec les enfants, mais eux aussi ils avaient d’autres occupations. L’éducation est très importante, dans notre clan.

Bien sûr, il n’avait pas dit tout cela pour le simple plaisir. Bien sûr, il l’aurait dit, il était d’humeur à partager, et il était sincèrement content de parler à quelqu’un. N’ayant pu jouer toute la journée avec les enfants… Mais il avait aussi raconté l’histoire de sa journée pour faire oublié à Shaman qu’il n’avait pas dit son nom. Ça ne fonctionnerait pas longtemps, car dès que le loup de la terre lui demanderais directement, il devrait réponde, mais ça lui laissait le temps de se formuler une réponse.

Son clan. Shaman semblait appartenir au clan de la terre, mais il était peut-être solitaire. Mais si ça avait été le cas, pourquoi ce serait-il donné la peine de le demander? Impossible de savoir, tout le monde pouvait avoir ses raisons. Et puis Pheonix n’avait pas le goût de réfléchir. Shaman était visiblement un esprit simple, qui parlait franchement et directement. Le loup de l’air n’avait aucune raison de ne pas en faire autant.

- Je suis du clan de l’air. Mon travail, enfin, celui que je me suis donné, c’est d’accomplir plein de petites tâches insignifiantes qui ne se classe dans aucun rôle au sein du clan. Dans le genre de jouer avec les louveteaux, ou parfois surveiller à la place d’un garde qui a besoin de se dégourdir les jambes, apporter de la nourriture aux sentinelles, pour leur éviter d’avoir à chasser et donc d’être distraits, ou encore même chercher des objets ou des loups perdus. Ce genre de choses.

Il prit un moment pour réfléchir. Shaman lui faisait penser à son ami oméga, et il avait envie de devenir ami avec lui. Mais… si lui n’agissait comme cela que pour ne pas s’attirer les foudres d’un loup de l’air sur son territoire? Pheonix espéra se tromper, puis continua.

- Une fois de temps en temps, j’ai besoin de me détendre un peu, alors je prends une journée de congé et je vais jouer avec les petits louveteaux, jusqu’à ce que les nourrices me chassent. Alors je viens ici. J’aime bien cet endroit, l’harmonie qu’on y ressent.

Et ça lui rappelait la promesse qu’il avait faite à son ami oméga. Il lui avait promit de l’amener en ces lieux. Il n’aurait finalement jamais eu le temps de le faire. Il retint une larme et s’apprêta à renvoyer les questions à Shaman, mais se retint en comprenant qu’il en avait beaucoup trop révélé, par insinuation. Il était facile, si on prenait la peine de pousser la réflexion un peu plus loin que ses paroles, de comprendre que le loup de l’air était de la caste noble. Seuls les nobles pouvait être exempté de travail, et se permettre de se contenter de tâches insignifiantes, ou encore prendre des congés quand bon leur semblait. Se préparant mentalement à ce que la conversation s’oriente en ce sens (donc s’exhortant au calme pour ne pas se mettre à hurler de révolte dès que Shaman mentionnerait son titre, auquel il refusait catégoriquement d’être identifié), il se décida à renvoyer la politesse.

- Et toi, de quel clan es-tu, et quel travail y exerces-tu? Et aussi, pour quelle raison t’es-tu retrouvé ici?